Je suis né à Edmundston le 11 février 1933 du mariage de Darcy Hébert et Éva Plourde (selon le livre intitulé 'L'histoire du Madawaska' écrit en 1912 par l'Abbé Thomas Albert, le premier mariage dans la région a été celui de mon arrière-arrière grand-père, soit Simon et Simonnette Hébert. Ce mariage fut béni par un prêtre missionnaire dans une tente sur la réserve Malécite.) Je suis le deuxième d’une famille de dix enfants, soit quatre sœurs et cinq frères. J’ai fait mes études primaires à l’école Notre-Dame et j’ai obtenu mon diplôme du secondaire en industriel à l’école Cormier en 1950. Dès mon jeune âge, j’ai participé à différents mouvements tels, louveteau et scoutisme qui ont été favorables pour m’enseigner l’amour de la nature, la survie en forêt et l’esprit d’équipe. Aussi, en 1949-50, j’ai joué au hockey pour le club d’Edmundston et notre ligne était formée de mes deux frères, Guy et Léo à la défense, moi, ailier gauche, Bee Thibodeau, ailier droit, et au centre, Théo Francoeur, qui avait déjà débuté sa carrière de boxeur avec la commission athlétique d’Edmundston. Je me souviens également qu’il y avait dans ce club Mascou Cormier et Pit Morneault. Lors d’un voyage à Fredericton pour un tournoi de hockey interscolaire, pendant la soirée à l’hôtel, voilà que la guerre des oreillers est amorcée sur l’étage et à l’époque elles étaient bourrées de plumes. Imaginez-vous un moment à quoi ressemblait l’étage! Nous en avons entendu parler longtemps.
Donc, dès l’âge de douze ans, j’ai eu connaissance qu’il y avait en ville une association de boxe qui présentait quelques galas de boxe annuellement à la salle St-Louis, située près des baraques de l’armée, dans la paroisse Sacré-Cœur. En 1947-48, je me souviens d’avoir vu M. Fred Lévesque (Al Capone) de la région, venir à ces cartes de boxe et payer l’entrée à de nombreux jeunes qui n’avaient pas assez d’argent pour se payer un billet d’entrée. Lors de ces cartes de boxe, le boxeur qui m’a le plus influencé à devenir boxeur fut Frankie Bélanger de Québec, frère de Louis. Celui-ci avait un style de boxeur avec un bon pas de danse et se déplaçait très habilement sur l’arène et était très agréable à voir boxer. Ce sport de contact m’a beaucoup impressionné et intéressé. Alors, j’ai demandé à mon père si je pouvais aller m’entraîner et il refusa, mais j’ai tellement insisté qu’il finit par me dire quelques mois plus tard : « Si cela te plaît tant, vas-y ». Alors, en 1949, je suis allé rencontrer M. Biff Lemieux, frère du boxeur Jos Kid, pour lui dire que j’étais intéressé à m’entraîner pour faire une carrière de boxeur et son premier conseil fut que je ne devais prendre aucune boisson alcoolisée, ni tabac. J’ai suivi ce conseil tout au long de ma carrière. Biff est né à Lévis Québec en 1909 et décéda en 1959. Il était le père de Jean et de Richard qui ont suivi l’exemple de leur père durant quelques années. Biff débuta sa carrière dans la catégorie poids-plume et coq dans la région de Québec et de Montréal et il boxa entre autres contre Eddy Martin. Il bénéficiait d’une bonne expérience en boxe professionnelle pour avoir boxé lorsqu’il habitait à Boston et à certains endroits de la Nouvelle-Angleterre et pour en avoir été champion. Il perdit une décision pour le titre mondial contre Harry Jeffra et a aussi détenu le titre des Provinces Maritimes pendant trois ans. Il boxa également contre Joey Archibald, boxeur très bien connu aux États-Unis.
Donc, après quelques mois d’entraînement, enfin le grand jour tant attendu arriva, ma première bataille à Edmundston, en 1949 contre Robert Dedridge de Québec, dont j’ai remporté la victoire par TKO à la deuxième ronde. Cette bataille eut lieu à la salle St-Louis remplie à pleine capacité. J’ai connu pour la première fois ce que c’était une montée d’adrénaline lorsque j’ai vu et entendu la foule crier et hurler après moi : « Vas-y René , tu vas l’avoir ». Cela m’a beaucoup encouragé à continuer cette carrière. Après ce combat, Biff, qui agissait en tant qu’entraîneur et promoteur, organisa mensuellement des combats à Edmundston, ailleurs en province, dans l’État du Maine ainsi que dans l’Est du Québec. Étant donné que mon expérience en boxe s’améliorait, en 1952, j’ai eu le bonheur de boxer contre de supers boxeurs du Québec tels Fernand Drouin, que j’ai battu par décision, celui-ci avait perdu par décision contre le champion canadien Armand Savoie. Aussi, j’ai gagné par décision contre Charlie Savard à Edmundston et contre Jerry Aubut à Québec. Voilà que le monde de la boxe québécoise n’accepte pas que je m'exécute au sein du noble art et un combat fut organisé à Rimouski contre Kid Poing, un vétéran de la boxe québécoise, en vue de connaître mes performances. La rumeur était que celui-ci me donnerait une raclée alors que celui-ci a malheureusement été obligé de se rendre à l’hôpital suite à ce combat.
Mes combats de boxe les plus difficiles durant ma carrière furent contre les frères de Yvon Durelle, Ernie et Éloi; ces boxeurs étaient des cogneurs extraordinaires. Contre Éloi, j’ai perdu une première décision pour ensuite le battre par décision unanime à deux reprises. En 1953, un combat de dix rondes fut organisé contre Larry Griffin, champion de la Nouvelle-Angleterre, quatrième aspirant mondial, dont l’entraîneur était Paul Junior de Lewiston Maine, ancien champion mondial. Alors, Biff a décidé qu’il serait avantageux que je puisse m’entraîner avec un boxeur de haut calibre tel Fernando Gagnon de Québec. Cependant, il est bon de vous informer que j’ai eu le bonheur de m’entraîner à Edmundston avec de bons boxeurs tels Phil Violette et Gene Després de Madawaska et d’Edmundston, Willard Michaud, Rodolphe Bolo Beaulieu, Paulo Beaulieu, Don Baker, Albert Charest et Eddy Ringuette. Donc, j’ai eu la chance de faire de l’entraînement à Québec sous la direction du capitaine Bouchard, entraîneur du légendaire boxeur Fernando Gagnon et j’ai bien apprécié aller courir le matin avec Fernando et faire de l’entraînement en après-midi. Celui-ci ne pesait que 117 livres, mais frappait comme un boxeur de 150 livres et était doué d’une force herculéenne. J’ai beaucoup appris avec ce boxeur qui avait la faculté d’enseigner le noble art. Alors, le combat contre Larry Griffin a eu lieu à l’ancienne église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs et j’ai remporté la victoire. Malheureusement, le titre n’était pas en jeu.
Dans les jours suivants, l’entraîneur Paul Junior m’appela pour me demander si j’étais intéressé d’aller faire de l’entraînement sous sa direction. Donc, après avoir réfléchi et discuté avec Biff, celui-ci m'informa qu’il serait avantageux de vivre cette expérience. Alors, j’ai demandé à Don Baker, un ami et partenaire d’entraînement, s’il voulait m’accompagner pour vivre lui aussi cette expérience; heureusement, il accepta. Et nous avons gardé tous les deux de bons souvenirs de cette belle aventure. Donc, nous nous sommes rendusà Lewiston et nous sommes demeurés là durant un mois. Je peux vous dire que nous avons apprécié cette aventure qui nous a été très favorable tout au long de notre carrière. Je peux vous affirmer avec toute sincérité que Don avait beaucoup de potentiel pour faire une bonne carrière en boxe professionnelle. De retour à Edmundston, Biff a constaté mon amélioration et a profité de l’occasion pour organiser le plus important combat de ma carrière contre Crosby Irving de Saint-John NB, champion des provinces Maritimes. Ce combat a eu lieu à l’extérieur, près de la maison de Biff et j’ai gagné cette bataille par KO à la sixième ronde mais, malheureusement le titre n’était pas en jeu. Il faut prendre en considération qu’à cette époque, les routes n’étaient pas ce qu'elles sont aujourd’hui et le déplacement des boxeurs était beaucoup plus difficile.
En 1953, étant donné que l’ancienne église de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, aujourd’hui le centre communautaire Godbout, était vacante depuis 1951, le curé Numa Pichette me téléphona et m’invita à le rencontrer afin de m’offrir ce local pour en faire une salle de boxe. Quelle heureuse surprise! Alors, après en avoir discuté avec mon père et quelques amis, nous nous sommes tous mis d’accord sur ce projet. Les démarches furent entreprises auprès de la compagnie Fraser Paper afin de se faire fournir le bois nécessaire à la transformation de ce local. Avec ma connaissance dans la menuiserie, dû à mon diplôme industriel, et la collaboration du père de Martin et de Rod Saint-Pierre, deux ex-boxeurs, ainsi que mon père, la construction dura quelques semaines et nous étions prêts pour notre première carte de boxe. Croyez-moi, c’était tout un stress de savoir si nous aurions assez de spectateurs pour combler les dépenses de tout ce que cela a engendré, surtout celles de payer les boxeurs.
Par bonheur, la salle fut comble à six cents personnes pendant trois ans et nous sommes devenus à l’époque, le château fort de la boxe pour l’Est du Québec, le Nouveau-Brunswick et l’État du Maine. Les gens de la région ont gardé un très bon souvenir de tous ces galas de boxe. Et la raison pour laquelle nous avons dû arrêter ces galas est que le curé Pichette a probablement reçu la visite de paroissiens se plaignant que la salle paroissiale ne rapportait pas d’argent. Étant donné que celui-ci était un très bon administrateur des biens de la paroisse, il nous demanda 15 % sur les recettes de la soirée. Les conséquences furent que nous n’étions plus en mesure de payer les boxeurs et nous avons dû arrêter les galas de boxe locaux quelques mois plus tard. Cependant, il faut prendre en considération que la permission d’utiliser l’ancienne église à notre guise pendant trois ans à été très favorable à promouvoir le sport du noble art, afin que nous puissions nous entraîner et présenter des galas de boxe dans la région, et j’en suis très reconnaissant à l’égard du curé Pichette Toutefois, par la suite en 1956, quelques cartes de boxe ont été organisées au nouvel édifice du centre récréatif de la paroisse Immaculée-Conception et nous sommes allés boxer à quelques reprises à l’extérieur. J’ai bien apprécié voir mes supporteurs se rendreà Rimouski à quelques reprises en 1954 lorsque je me battais. Certains journalistes m'avaient baptisé 'René la mitraillette'. Il y avait plusieurs voitures pleines et certains groupes d’amis avaient beaucoup de plaisir à se déplacer pour assister à ces cartes de boxe. Je me souviens d’avoir été sur la même carte que Robert Cléroux, dont le promoteur était M. Maurice Brisson, ancien champion de l’Angleterre, dans la catégorie lourd-léger, pendant la dernière guerre mondiale.
Ma carrière de boxeur se termina en 1956 avec quatre-vingts combats à mon actif et je peux vous dire en toute sincérité que durant ma carrière, la boxe m’a procuré de très bons moments et souvenirs. Aussi, il était temps que je change de vocation puisque trois ans à travailler simultanément en temps que promoteur, entraîneur et boxeur est très accablant. Toutefois, le plus exigeant à été celui de promoteur; toujours le stress de savoir s’il y avait assez de revenus pour combler les dépenses. Le plus décevant dans tout cela à été de se faire demander par certains boxeurs à quelques reprises dans les jours précédant le gala, un montant plus élevé que l’entente conclue pour un combat. Le local de l’ancienne église, conçu spécialement pour les sports de contact qui était fait avec des estrades tout autour de l’arène, tels les modèles de l’antiquité, resta vide pendant quelques mois. Mais voilà que le promoteur de lutte, M. Conzague Kirouac, des Étroits Québec, fit la location de la salle et me demanda après quelques galas de lutte si j’étais intéressé à lutter. J’ai donc accepté de vivre cette expérience et mon premier combat fut contre nul autre que le lion du nord. J’ai en tout environ une dizaine de combats à mon actif. Je peux vous affirmer que je me suis beaucoup amusé lors de ces galas de lutte puisque nous connaissions déjà l’issu de ces combats. J’ai lutté à Rivière-du-Loup, Cabano, Bathurst, Caribou Maine. Conzague était un homme extraordinaire et était doué d’une force herculéenne. Dans les années 1960, il a réussi à monter un cheval de 1 500 livres dans un poteau. Ses derniers exploits ont été de remporter dans la catégorie vétéran, pendant les 1990, le titre mondial en dynamophilie.
Après l’absence de boxe locale pendant plusieurs années, voilà que l’ancien boxeur Rodolphe Bolo Beaulieu débuta en 1963, le club de boxe amateur Edmundston Centre Boxing Club au centre Récréatif, aujourd’hui l’édifice du centre. C'est à cet endroit que mes cousins Claude et Don Plourde, de dix ans mes cadets, fils de mon oncle Jean-Baptiste, frère de ma mère, ont débuté leur carrière en boxe amateur. Ceux-ci sont venus me demander de leur vendre mon équipement de boxe, soit la robe, la culotte et les bottines. Ce que j’ai accepté avec plaisir, d’autant plus qu’il était agréable de les voir boxer dans mon équipement et de constater que les frères Plourde ont fait leur carrière de boxe dans mes bottines.
Concernant ma vie familiale, par un beau samedi soir d’été, je me suis rendu avec quelques amis au restaurant State, de la treizième avenue à Madawaska, situé près du club chez Cannan, où il y avait une petite salle de danse annexée au restaurant. J’ai fait l’heureuse rencontre de ma bien aimée Doris Caron, fille d'Alex et de Léona Nadeau de lac Baker, un petit village d’environ deux mille personnes situé à la frontière du Québec et du Maine. Notre mariage a eu lieu le 18 avril 1955; j’étais âgé de 22 ans, Doris de 20 ans. De cette union, quatre enfants sont nés, soit Thérèse, Gérard, France et Alain. À ce jour, notre union persiste toujours et nous nous apprécions de plus en plus chaque jour malgré certaines épreuves de la vie tout comme le commun des mortels et nous sommes tous les deux très heureux d’avoir fait une vie commune ensemble.
Mon premier emploi pendant les vacances d’école, en 1948-49, fut sur la construction comme journalier pour les entrepreneurs Joachin Couturier et Jos Guay et consistait à barouetter du ciment, un très bon travail pour développer les jambes et les bras, ce qui me favorisa au début de ma carrière. Après ma graduation en 1950, j’ai travaillé pendant six ans pour mon entraîneur Biff Lemieux qui était entrepreneur en toiture, travail que j’ai bien apprécié car il était agréable de travailler à l’extérieur et surtout que c’était intéressant d’écouter les histoires de boxe de M. Lemieux tout en travaillant. En 1956, j’ai travaillé à temps partiel pendant quelques années à l’usine de la compagnie Fraser Paper, un travail à l’intérieur que je n’appréciais pas beaucoup. En 1963, me voilà parti pour l’aventure avec deux amis. Nous avons pris la décision de partir une compagnie de construction appelée HMC Modern Home Ltd., mes associés Hermel Michaud et Ronald Campagna et moi, en plus d’exploiter un magasin de peinture au 261, rue Victoria, soit l’actuel restaurant chinois Tam’s. Notre compagnie employait vingt-deux personnes. La compagnie ferma les portes au début des années 1970. La première maison dont j’ai construite à été celle du 163-34e avenue, il s'agissait de la mienne. Enfin, fini les loyers. Je suis allé travailler contremaître sur les trottoirs, pour la ville d’Edmundston, pendant quelques années. En 1975, puisque j’avançais en âge et que malheureusement la santé dégradait, je me suis trouvé un travail moins exigeant, j’ai travaillé à la résidence Louis Cyr de l’Université de Moncton, Campus d’Edmundston, comme gardien jusqu’en 1984.
En 1983, j’ai été opéré à cœur ouvert. Aujourd’hui, je peux vous affirmer en toute sincérité que mon pire ennemi est encore le tabac. Malgré tout, arrivé à 73 ans, par la grâce de Dieu, avec mon épouse et mes enfants autour de moi, je suis un homme béni et heureux. Je peux vous affirmer que la boxe a été pour moi une très belle période dans ma vie et qu’il me fait plaisir d’écrire cette mini biographie pour qu’elle soit présentée sur ce site. Et je suis d’autant plus heureux que le promoteur de ce panthéon est mon cousin. Je me souviens de mon oncle Baptiste pour avoir déjà bénéficié de ses services comme placier lors de mes galas de boxe et pour m’avoir coupé les cheveux lorsque j’étais pris au dépourvu avant un combat. Donc, sincère remerciement au promoteur pour cette ingénieuse idée de créer ce panthéon, dans le but de promouvoir le sport du noble art style boxe anglaise et de faire connaître l’historique de la boxe.
Sincèrement vôtre,
René Hébert